A quoi ça sert de "travailler sur soi" ?
- melisarachelle
- 2 mars
- 7 min de lecture
La question se pose en effet ! J’ai eu des doutes récemment. En touchant des zones très douloureuses en moi, que je portais depuis si longtemps, je me suis vraiment interrogée sur l’effet de mes centaines (milliers ?) d’heures de séances et stages thérapeutiques. « A quoi ça sert » hurlai-je intérieurement du fond de mon trou de désespoir ! Puis, comme je ne voyais pas quoi faire d’autre, j’ai continué. J’ai focusé, je me suis ancrée à la Terre, j’ai médité, accompagnée par des personnes compétentes, et seule aussi. J’ai fait ça chaque jour ou presque, parce que c’était une nécessité, parce que ce sont les seules choses qui me donnent réellement l’impression d’avancer. Mais pourquoi ? Et est-ce juste une impression ou est-ce que j’avance vraiment ? Et j’avance vers quoi en fait ?
Un souvenir très précis me revient en mémoire. Il y a quelques mois je suis allé dans un spa avec mon amoureux, alors que nous attrapions nos serviettes pour aller à la douche, j’ai surpris le regard de mon cher et tendre s’attarder sur le magnifique décolleté de notre voisine de transat. En un quart de seconde j’ai senti mon sang ne faire qu’un tour et vu le monstre dans mon ventre vouloir hurler à ma moitié « tu veux aller te doucher avec elle, vas-y on va lui demander si tu veux » !! En réalité cette pulsion a duré un peu plus qu’un quart de seconde et j’y pensais encore sous la douche. Mais au lieu de me faire totalement déposséder de moi-même par ce monstre d’insécurité qui gît au fond de moi, j’ai seulement dit « je t’ai vu » avec un sourire complice que mon amoureux m’a rendu, puis je n’y ai plus fait allusion. Ce genre de moment exemplifie parfaitement l’intérêt de passer du temps à aller rencontrer nos démons. La pulsion de jalousie peut être très forte. Sans le recul acquis par mes heures d’introspection, le monstre aurait franchi mes lèvres et fait beaucoup de mal à une relation que je chérissais.
Pas plus tard que ce matin l’interprétation d’un rêve à l’aide du Focusing m’a mené à récupérer des parts de moi, toutes celles que j’avais perdues à chaque humiliation imposée par mon frère durant toutes mon adolescence. Par expérience, je sais que je ne tarderai pas à voir les effets concrets de ce moi plus complet. Mon voyage de ce matin, toujours à partir du rêve, m’a aussi amené à l’exploration de quelque chose que je suis en train de vivre et qui me mettait en grande tension intérieure. Maintenant, au lieu de la tension il y a une douce chaleur acceptante.
De manière plus générale et toujours très concrète :
Alors que je n’avais commencé le Focusing que depuis un an, ma fille m’a dit : « tu t’énerves beaucoup moins depuis que tu fais du focucus. »
Au lieu de m’asséner des reproches très durs dès que quelque chose ne se passe pas comme je veux, je suis désormais capable de ressentir un sincère élan de soutien en moi qui se traduit en paroles douces pour moi, me procurant ainsi de l’énergie et m’aidant à trouver des solutions.
Au lieu de me sentir victime du monde et des autres, je peux détecter en moi ce qui a provoqué les situations dans lesquelles je suis, et ainsi agir sur la cause réelle au lieu de vouloir changer les autres (ce qui ne marche jamais de toute façon).
Au lieu de garder pour moi des tensions, en particulier dans mes relations amicales, et de me faire du mal avec pendant des mois, je peux maintenant simplement et sainement dire les choses, sans me sentir en danger de perdre la relation.
Quand quelque chose est bloqué en moi, il me suffit de me poser et de laisser se soulever les voiles pour comprendre ce qui se passe, et comment y remédier, au lieu de rester des semaines ou des mois sans savoir ce qui ne va pas ni quoi faire.
La liste serait encore longue. Pour résumer, « travailler sur moi » c’est reprendre le contrôle de mon existence au lieu de laisser pourrir dans mon inconscient tout un tas de choses, les laissant me contrôler à mon insu.
Il me paraît important de préciser, qu’à mes yeux, toutes les pratiques dites thérapeutiques ne se valent pas. Celles que je reconnais comme profondément transformatrices ont deux critères indispensables :
Elles impliquent l’alliance de mon mental et de ma conscience corporelle. Je vois une compréhension trop superficielle de « l’égo » faire beaucoup de mal dans les milieux du développement personnel et de la spiritualité. Mon égo n’est pas mon ennemi. J’aime la vision d’Issâ Padovani qui le décrit comme « l’enfant moi ». C’est aussi comme cela que je le perçois. Mon égo est la partie non-évoluée de moi. Il a besoin de beaucoup d’écoute et d’amour pour grandir, pas qu’on l’envoie dans sa chambre en lui disant qu’il est méchant dès qu’il montre le bout de son nez. Ni mon mental (dont la définition ne se limite pas à l’égo, je suis d’accord, mais ce n’est pas le sujet que je veux développer ici alors je simplifie), ni mon corps ne sont mes ennemis. Ils me sont tous deux infiniment précieux et incroyablement productifs et guérisseurs lorsqu’ils travaillent ensemble. L’un sans l’autre ne peut rien. L’un avec l’autre fait des miracles.
Elles demandent mon concours actif. Je ne suis pas très attirée par les pratiques où quelqu’une va me donner des informations sur moi ou me prodiguer des conseils, somme toute bien intentionnés, mais qui ne viennent pas d’une prise de conscience qui m’appartient. Si c’est en moi que la transformation doit avoir lieu, c’est à moi de la produire, pas à un gourou extérieur qui ne me perçoit qu’à travers ses propres prismes. C’est toute la beauté de l’ACP-Focusing et du Mouvement Conscient tels que je les pratique et transmets, ils laissent toute la liberté et le pouvoir à la personne. C’est ainsi, dans mon expérience, que les choses changent vraiment.
Ceci étant posé, j’ai besoin de regarder bien en face LA question qui me taraude parfois très fort : Est-ce que tous ces progrès, changements, ne pourraient pas arriver SANS démarche thérapeutique/spirituelle, par la seule réflexion d’un être sur lui-même au sein de son expérience particulière ?
Ce que j’observe, de mon petit prisme particulier, des personnes autour de moi qui ne sont pas dans une démarche active d’évolution intérieure, et de certaines qui sont dans une telle démarche, c’est que certaines évoluent et d’autres non… Jusque là, pas du surprise. Certaines stagnent de longues années en thérapie, d’autres stagnent ou évoluent sans elle. J’ai l’impression qu’une bonne partie des accros de la thérapie/spiritualité s’en servent (comme je le fais également parfois) comme activité de bien-être sur l’instant, au même titre que d’autres font de l’escalade, du scrapbooking ou du Pilates, sans percer les profondeurs de leur être permettant de réelles transformations. D’autres se servent de la thérapie à l’envers, c’est-à-dire pour renforcer leurs structures existantes. D’autres encore font appel à une « psy » ou « thérapeute » le temps de traverser une crise, puis arrêtent dès la crise « gérée ». Pour ces trois catégories, l’activité thérapeutique/spirituelle n’est à mes yeux qu’une autre activité, au même titre que ce que tous les humains peuvent trouver pour limiter leur mal-être au quotidien.
Mais il y a une dernière catégorie. Il y a celles qui évoluent au sein d’une réelle, profonde, challengeante et transformatrice démarche thérapeutique/spirituelle, sur le long terme. La différence se situe, d’après moi, ici : celles qui vivent leur quotidien au sein d’une telle démarche évoluent beaucoup plus et beaucoup plus vite que celles qui s’ajustent simplement du mieux possible aux aléas de la vie. Aucune méthode en soi ne peut assurer apporter une telle évolution, et (presque) toutes le peuvent, car cela dépend moins d’elles que de ce que la personne est prête à toucher et bouger en elle. A quel point je suis prête à regarder en face ce qui me déplait, accueillir, aimer et transformer la victime en moi, accepter que je suis responsable de ce que je vis, reconnaître mes lâchetés, mes injustices, mes jalousies, mes violences, mes manipulations, etc. Seules les personnes prêtes à accepter cela, en même temps que leurs plus grands élans d’amour, de bonté, de gratitude et de vulnérabilité, évoluent vraiment. Une telle personne sentira, je crois, intuitivement que son âme, et la Vie elle-même, recèlent bien plus que ce qu’elle en connaît déjà et cherchera des outils efficaces pour se découvrir.
Vous notez que je colle systématiquement les termes « thérapie » et « spiritualité », car, dans mon expérience, une réelle démarche intérieure voyage automatiquement de l’une à l’autre. Quand je me laisse plonger en moi, le particulier finit par rejoindre l’universel, pour revenir à ma petite expérience personnelle, et ainsi de suite. Elles ne sont pas différenciables, elles se rejoignent. L’une sans l’autre est incomplète. Elles tissent constamment ensemble le chemin.
Personnellement, j’ai bien sûr d’autres ressources que les pratiques thérapeutiques proprement dites, sur lesquelles je m’appuie grandement pour évoluer et savourer la vie mais qui, sans mon concours actif, n’ont pas le pouvoir de m’offrir à elles seules la profondeur de regard intérieur qui me révèle mes ombres et mes lumières. Tous les moments que je passe avec des personnes de qualité et dans des liens affectifs profonds et sécures sont une immense richesse. La randonnée, ces moments où je me nourris de la nature et de la vigueur de mon corps, m’apporte énormément. La nourriture intellectuelle me fait évoluer aussi. Mais sans ma capacité à me laisser traverser par les liens, les nouvelles connexions mentales, par l’amour, par l’indéfinissable lien à la vie qui passe par la terre, les arbres, les rivières, tout cela ne me nourrirait que superficiellement.
Je crois que c’est un grand mal de notre temps : la superficialité. Mes voyages constants dans mes profondeurs me montrent cela : toute cette richesse qui m’habite et habite le monde. Et plus j’en découvre plus j’ai conscience que cette découverte est infinie. Une existence qui repose uniquement sur les quelques aspects que j’en connais déjà me paraît insupportablement limitée. Je voudrais tout expériencer de moi et du monde et pour cela ce sont mes propres limitations que je dois faire sauter. Je suis la seule à me limiter. « Travailler sur moi » n'est alors pas seulement me « guérir ». C’est ouvrir mon regard, voir ce qui m’était encore invisible la veille. Percevoir les réalités que je jugeais jadis impossible et les vivre. Remettre en cause mes certitudes. Mieux écouter et mieux entendre les êtres qui m’entourent. Ressentir le plaisir intense de comprendre profondément quelque chose que je ne comprenais pas et en sentir mon cœur et mon esprit s’ouvrir. Avoir conscience de l’immensité de ce que je ne comprends pas encore.
Multiplier les séances de Focusing, d’écoute ACP, de danse et de méditation, c’est me réinventer sans cesse. Ce n’est pas seulement guérir mes traumas, c’est m’ouvrir au plein potentiel de mon existence.
C’est vivre avec une humilité et un émerveillement sans cesse renouvelées.
En définitive, c’est pour cela que je « travaille sur moi ».

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